vendredi 19 mars 2010

Auxerre - Ligue 1 - Jean Fernandez - "Lyon prend tous les bons jeunes"

Quelle image avez-vous aujourd'hui de la ville et du club d'Auxerre ?
La ville, j'ai pas grand chose à en dire. Je suis arrivé en 2006 mais c'est un métier où vous ne sortez pas beaucoup alors j'ai pas trop eu l'occasion de visiter. Le club, c'est l'image que j'en avais de l'extérieur. Familial. Il y a très peu de gens qui y travaillent mais ils sont très compétents. C'est facile d'y évoluer même dans les périodes difficiles. En février 2009, on était 18e. Le président Hamel vient me voir pour m'offrir une prolongation de contrat. Je lui demande alors ce qu'il se passe si on descend. Il me répond qu'on remontera ensemble. C'est plus facile pour un entraîneur de bosser dans ces conditions.

Cette stabilité est importante pour les résultats ?
Bien sûr. Après, c'est cyclique comme partout. L'avantage, c'est que dans les périodes difficiles, l'entraîneur n'a pas la pression médiatique. Ce club a été construit par 3-4 personnes pendant 30 ans, c'est exceptionnel. La stabilité a fait la différence. A l'image de ce qu'on a fait avec l'équipe où on a pu garder la stabilité du groupe cette saison.

Vous êtes le premier entraîneur à prendre la suite de Guy Roux sur la durée (Rolland et Santini n'avaient fait qu'un an). Comment vivez-vous la chose ?
On a pu dire des choses et d'autres sur nos rapports et pourtant on a toujours eu de bonnes relations. Ici, on parlera toujours de lui. Il a amené le club à l'Europe, au titre. Dans l'esprit des gens, Auxerre sera à vie liée à Guy Roux. Moi, je suis arrivé au club avec beaucoup d'humilité. Beaucoup de gens m'avaient déconseillé de venir mais les choses se sont faites normalement. Les gens étaient sceptiques, pensaient qu'Auxerre ne survivrait pas à son départ. Je commence à imposer mon style dans le fonctionnement du club

Qu'est-ce qui vous différencie ?
Ma façon de voir le football. Nous avons des connaissances et des conceptions tactiques et techniques différentes. Mais, sinon, rien n'a changé. Le même public, les mêmes journalistes et deux présidents maintenant, c'est nouveau. L'image de Guy Roux va rester ancrée longtemps. Il était très médiatisé, moi, je travaille différemment.

On entend pourtant toujours les adversaires dire qu'à Auxerre, on croit toujours qu'on va gagner mais on finit par se faire prendre sur un contre. Légende ou pas ? Le jeu de l'AJA est-il vraiment différent d'avant ?
Oui, j'essaie de faire jouer mon équipe un peu moins le contre que ce que faisait Guy. On utilise aussi cette arme car on a un buteur comme Jelen mais j'aspire à plus de conservation du ballon. J'aimerais que l'équipe ait plus de possession de balle, notamment dans l'entrejeu.

Justement, travaille-t-on beaucoup tactiquement à l'entraînement pour obtenir ces résultats ?

Pas vraiment, la majorité du boulot se fait en début de saison, lors des stages d'avant saison. On définit l'organisation, on définit comment être le plus efficace. Après, une fois la saison commencée, il y a beaucoup de récupération, de video. J'aime bien aussi m'entretenir individuellement avec mes joueurs.

Qu'est ce qui a changé entre l'équipe moribonde de fin 2008 et l'AJA actuelle, inarrêtable ?
Vous savez, il faut du temps pour trouver l'équilibre dans un effectif. Ce sont des détails. Déjà, Jelen était blessé, ça nous causait des problèmes offensifs. Mais on s'est posé des questions, c'est vrai. L'équilibre est venu petit à petit, il a fallu trouver de la complicité au milieu. Il y a des étapes, des matches, où la vérité se dégage. Aujourd'hui, on a Jelen devant, Pedretti important juste derrière et quatre défenseurs d'expérience. J'ai replacé Mignot dans l'axe plutot qu'à gauche, à la place de Grichting, car j'ai remarqué qu'il était meilleur de la tête.

Cette solidité défensive est très importante pour vous ?
Si vous ne prenez pas de buts, vous pouvez toujours gagner sur un contre. La base, c'est ma défense, c'est l'une de mes priorités. Sorin est devenu un gardien solide. L'an passé, on a pris Coulibaly en payant un transfert non négligeable pour nous. Tout le monde se replace bien. Prenez Oliech. On sait qu'il a de gros problèmes techniques et de finition. Mais il défend beaucoup alors on s'adapte et on fait avec ses qualités.

A quoi ressemblent vos journées ?
Je me lève très tôt, j'arrive au bureau à 8h00. Après l'entraînement, je retourne bosser et je rentre déjeuner vers 13h15. Retour au stade l'après-midi jusqu'à 20-21h. Chez moi, je regarde des matches et je prépare des entraînements jusqu'aux alentours de minuit. C'est pratique, avec toutes ces chaînes, il y a toujours du football à regarder.

Vous êtes un vrai passionné de football. Ca se sent...
Oh, vous savez, dans ce milieu, j'espère que tout le monde est passionné. C'est primordial. Chez moi, c'est une vocation. Je suis un privilégié, je n'ai pas l'impression de bosser. Au haut niveau, tous les détails sont primordiaux. Je travaille beaucoup avec la video. J'ai un assistant qui me fait un montage de l'équipe adverse. A la fin de la semaine, je la connais aussi bien que la mienne. Je dois visionner entre 10 et 15h de matches de mon adversaire. Dont au minimum ses 5 derniers matches à domicile ou à l'extérieur (selon le calendrier).

Pas toujours facile de recruter quand on est l'entraîneur d'Auxerre ?
Offensivement, on sait que c'est la qualité individuelle qui fait la différence. Ma frustration cette année, c'est Licata (recrue vedette de l'été mais blessé depuis le début de la saison). Il nous aurait beaucoup apporté dans le jeu et dans la finition. Sans gros moyens, on s'adapte. On essaie de tirer le maximum de nos joueurs. Capoue était indésirable à Nantes, on a pu l'avoir gratuitement avec un salaire convenable. Nantes ne voulait pas non plus d'Oliech, on l'a pris pour 400 000 euros il y a quelques années, on voit où en est Nantes aujourd'hui... Chafni, encore mieux, recruté pour seulement 200 000 euros à Ajaccio qui ne souhaitait pas le conserver.

Fouinez-vous dans les divisions inférieures pour trouver des joueurs ?
Oui, je vais voir de la Ligue 2, du National. Récemment, en un week end, j'ai assisté à Boulogne-Le Mans le samedi soir, Guingamp-Brest, le dimanche après-midi et Rennes-Lille le dimanche soir ! Je suis aussi allé superviser l'équipe de France des – 19 ans ce mois ci. L'an passé, ça m'a permis de prendre Contout. Il était en fin de contrat à Amiens, relégué en National. Personne ne le connaissait, tout le monde était sceptique et voyez ce qu'il nous apporte maintenant. C'est un gamin de qualité, vous lui offrez un salaire correct et vous savez qu'il va se défoncer pour vous.

Comment voyez-vous l'intersaison, tant personnellement qu'au niveau du groupe ?
Je me sens bien ici, je vais rester. J'ai une très bonne relation tant avec le président Dujon que le président Hamel. C'est un métier difficile, tout peut aller trèsd vite mais je suis heureux ici. Pour les joueurs, j'espère une relative stabilité. Jelen est ici depuis quatre ans, il partira sans doute. Et Niculae est en fin de contrat. Il voudra sans doute tourner la page. Il ne faudra donc pas se rater au niveau du mercato des attaquants.

Qu'en est-il de la formation ? Dans votre équipe type, il n'y a guère que N'Dinga comme jeune récemment sorti du centre
C'est vrai et ça va devenir de plus en plus difficile. C'est pourtant la force du club de former et de transférer. Mais maintenant, c'est compliqué car vous n'avez plus le 1er choix. Avant, les meilleurs jeunes allaient à Nantes ou à Auxerre. Maintenant, c'est Lyon, Rennes, Paris ou Monaco. J'ai vu ce mois-ci l'équipe de France des – 19 ans. Il y a un joueur de Chelsea, un autre de Liverpool, un de la Real Sociedad et six (!!!) joueurs de Lyon. Ce n'est plus comme avant. Ca rapporte beaucoup trop d'argent. Regardez ce qu'a gagné l'OL avec les ventes de Benzema, Remy et Ben Arfa. Lyon arrive à récupérer tous les bons jeunes. L'an passé, on était les premiers sur Belfodil. On lui a offert une belle somme, environ 50 000 euros, mais ils sont arrivés derrière et ont quadruplé la mise. Que faire ? Chez nous, il aurait peut-être été titulaire l'an prochain mais voilà...

Que peut-on espérer alors ?
Ben, pour des clubs comme l'AJA, ça va devenir un exploit. Moi, j'ai toujours aimé miser sur eux tant à Metz, Cannes que Sochaux. Quand je suis arrivé, je pensais que j'allais me régaler vu la réputation du club alors c'était une petite déception au départ. Mais faut se rendre à l'évidence, les meilleurs jeunes, c'est fini.

Que donnent les joueurs prêtés en Ligue 2 ?
Langil fait une très bonne saison à Caen. Kitambala à Dijon, ça va mieux depuis la trêve. Par contre, Jasse ne joue jamais. Pour l'avenir, j'ai quelques espoirs dans des jeunes comme Sanogo ou Missilou. Mais pas avant au moins deux ans.

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