mardi 15 décembre 2009

Roanne - Pro A - Paul Brideau, attention y'a personnage

Il connait le basket. Un peu beaucoup. Il claque la bise à l'un, serre la paluche de l'autre. Avec M'sieur Brideau, du Pays Roannais, on va passer une chouette soirée basket en tribune de presse. Les habitués assis derrière lui (car la tribune de presse n'est pas isolée du reste du public à Roanne) lui demandent l'évolution des scores des autres matches. Ce à quoi il se prête comme toujours avec bonhommie. Et se réjouit avec ses acolytes de la défaite villeurbannaise, en bon Gaulois moqueur.

Je savais bien, pour l'avoir pratiquée, que la presse locale, ça tisse des liens mais avec lui ça dépasse l'entendement. Exemple en images. Fin du match, c'est la cohue. Une dame est au bout du fil. « Où es tu ? » lui demande sa correspondante. « En face de Paul Brideau ! », répond-elle tranquillement. A Roanne, on ne se situe pas face au tunnel des vestiaires, à la porte A, B ou C. Non, le repère, c'est Paul Brideau. Étonnant.

Roanne - Pro A - De l'ambition mais pas le melon

Valentin Cavelier est le manager général de Roanne, l'homme qui fait le lien au quotidien entre le président Brochot, pris par son travail de chef d'entreprise et le coach Choulet. Son credo : travailler dur et poursuivre la croissance du club sans se mêler des querelles intestines du basket français. Et tout commence par la rénovation de la Halle Vacheresse. Ecoutons le.

"Les problèmes sont arrivés après le titre en 2007. On refusait beaucoup de gens. En termes d'accueil public, handicapés ou VIP, on était pas dans les clous. La capacité de la salle passera de 3200 à 5000 places fin 2011 et un espace VIP de 700 m2 sera intégré. Ça sera une sorte d'arène. Ils vont agrandir derrière les panneaux et mettre des gradins dans les angles pour ne pas perdre de place. Les travaux auront lieu a priori pendant l'intersaison 2011, donc sans répercussion sur l'équipe."

Il faut dire que jusque là, ce n'était pas évident de chouchouter les partenaires. Faute de salon d'accueil (forcément, à la base, ca ressemble à un gymnase...), ils étaient baladés une fois dans un restaurant, l'autre au Scarabée, une salle de spectacles. Compliqué de s'y retrouver. Objectif : un budget en hausse de 50% d'ici à 5 ans. En ce qui concerne l'Euroligue et son mode de qualification, la clownerie du basket français, c'est l'inconnu et ça le fait sourire. Rappelons que l'an passé, c'est seulement quelques semaines avant la fin du championnat que le choix avait été fait.Pour ne pas contrarier l'Euroligue qui souhaitait la présence de Villeurbanne. Douteux.

"Vu ce qui s'est passé, je préfère ne pas me prononcer, je ne sais pas. Le champion de France, je pense. Après... Villeurbanne, je ne sais pas si leur place est assurée. Je ne regarde pas le côté mérité, je regarde surtout ça comme un accélérateur pour le basket. La ligue fermée, aux Etats Unis, ça fonctionne. Pourquoi pas chez nous. Faut voir comment ça va se passer."

Mais surtout, Roanne veut rester à sa place et ne pas se poser en arbitre du duel Nancy-Asvel. Les invectives et les menaces par voie de presse, très peu pour eux.

"Quand je lis les querelles entre chaque camp dans BasketNews, je ne suis pas sûr que le basket en sorte grandi. Nous, on veut pas rentrer dans le débat. (Il hésite) Non, il faut pas rentrer dans le débat. C'est bien pour l'Asvel d'avoir récupéré son invitation. Après, c'est vrai que les arguments donnés par Nancy sont louables. Sur le terrain, ils ont quand même gagné le droit de faire cette Euroligue. Mais (longue pause), nous on se battra pour y retourner. Car on y a vécu une expérience exceptionnelle."

Roanne - Pro A - Choulet (suite) - « Si on joue en 40 points, les gens vont pas venir, ils ont autre chose à foutre »

Vous développez un basket offensif. Est-ce délibéré ?

Oui, c'est une volonté de ma part de jouer un basket d'attaque même si on est capable de défendre. Je préfère voir des matches en 80 points qu'en 50. C'est une question de goût et je pense que le public partage ce goût. Si on veut amener le basket dans les grandes villes, il faut faire du spectacle. Si on joue en 40 points, les gens vont pas venir, ils ont autre chose à foutre. Je l'avais dit à Paris il y a dix ans, le jour où on fera du spectacle, les gens vont venir.

Que pensez-vous de la polémique sur le temps de jeu des joueurs français ?

Honnêtement, ça ne m'intéresse pas, je vous le dis franchement. Pour moi, ça a peu d'importance. Alors, on veut protéger les joueurs français et la formation, très bien. Mais moi je dis que s'ils sont bons, ils vont jouer. Ils sont plus chers que les Ricains à valeur égale. Même s'ils disent que c'est pas vrai, c'est la réalité. Quand je prend le salaire d'un joueur dont on a parlé, Bo Mc Calebb, qui joue l'Euroligue et Marco Pellin, il y en a qui est deux fois plus cher que l'autre. Jerry Mc Cullough (devenu ensuite un des meilleurs meneurs d'Europe), à l'époque à Gravelines, je l'avais signé 35 000 dollars, je connais peu de meneurs français à ce tarif. Moi, je suis pour utiliser des joueurs français au maximum, s'ils sont bons... Enfin, s'il faut prendre que des Français et que j'en ai la possibilité, je le ferais

Vous avez déniché de nombreuses pépites US. Avez-vous le temps de vous intéresser à l'homme avant de signer un joueur ?

A l'homme, on peut pas. Moi je les rencontre aux Etats-Unis, je vais discuter 5-10 minutes avec lui mais c'est pas comme ça que je vais vraiment le connaître et savoir s'il sera parfait pendant la saison. On s'intéresse dans un 1er temps aux statistiques et ensuite aux contacts que je peux avoir avec les agents américains qui sont très heureux d'amener des joueurs chez nous parce que bien souvent, ils finissent MVP du championnat (sourire). Et plus généralement parce qu'ils sont exposés et que bien souvent, quand ils partent, ils multiplient leur salaire par deux ou trois. D'ailleurs, j'aurais pu repérer de nouveaux meneurs US si j'avais pas eu Marco Pellin. J'étais sur le petit meneur de Partizan, Bo Mc Calebb par exemple.

Tous ces Américains que vous faites éclore, gardent-ils contact avec vous ?

Oh, il n'y a pas de reconnaissance du ventre. Bon, Dee Spencer, oui. Marc Salyers oui alors que je ne l'ai pas sorti mais il y a une reconnaissance d'avoir été meilleur marqueur de l'Euroligue, c'est quand même quelque chose. Jerry Mc Cullough oui, Terrell Mc Intyre aussi. Le reste... Bon c'est déjà pas mal. Mais il n'y a pas vraiment de reconnaissance, de coup de téléphone pour dire « merci coach etc etc... » Par l'intermédiaire des agents, parfois ils le font savoir mais bon c'est un milieu bien égoïste le sport de haut niveau

Y a-t-il une nouvelle star US cette année à Roanne ?

Je ne pense pas qu'il y aura un nouveau Spencer. Ce n'est pas le même genre. Ils n'ont pas du tout été recrutés dans cette optique là. Mais alors pas du tout. Si j'avais voulu en prendre un, j'aurais pu mais je l'ai pas fait. Il y a un ou deux leaders, mais il y a une équipe complémentaire à côté. C'est fini l'époque d'un ou deux énormes joueurs et des coéquipiers moyens. Là on a essayé de faire une équipe complémentaire et on verra ce que ça donne.

Est-ce que vous surveillez vos joueurs hors du terrain, à la Guy Roux ?

Non, mais les renseignements je les ai. Je sais tout ce qui se passe sur Roanne, je connais suffisamment de monde depuis dix ans pour savoir ce qui s'y passe. Moi, ça m'est completement égal ce que font les gens hors du terrain du moment qu'ils sont performants à l'entraînement et en match. Le jour où ils ne le sont plus, je vais leur dire voire les couper. Mais bon, Dee Spencer, c'était pas un modèle, Marc Salyers non plus, Aaron Harper encore moins. Et avec ces trois là on a été champions de France. Pour moi, à partir du moment où ils font leur boulot sur le terrain, pendant les matches et à l'entrainement, le reste, ça m'est complètement égal

Roanne - Pro A - Bienvenue à Roanne

De Roanne, les fins gourmets connaissent surtout la maison Troisgros. Cuisine délicate, multi-étoilée au Michelin depuis trois générations. Mais loin de ce raffinement, les Roannais se réunissent eux tous les quinze jours à la Halle Vacheresse. Ici, le basket est le sport roi. Tout le monde sait où est la Halle et heureusement pour le visiteur d'un soir car nul n'a pris la peine d'installer de panneaux directionnels. Ben voyons. Facile, vous explique l'autochtone, "suivez la piscine" ! La Halle quoi ! (1)

Tapi au bord de l'eau, à l'ombre de la patinoire et du boulodrome, ce grand gymnase ne vous fera pas frissonner au premier coup d'œil, sinon de froid. Heureusement à l'intérieur, l'ambiance est brûlante. Le résultat des footeux de Saint-Etienne est acclamé. Lyon n'est qu'à 1h30 de route mais on comprend vite que l'Asvel et sa Tony Parker Academy ne trouveront guère de clients par ici. Le public, très proche du terrain, vocifère. Venus alléchés par l'odeur du sang, les fans n'ont de spectateurs que le nom. Et puis ici, n'espérez pas les meilleurs sièges. Abonné. Abonné. Abonné. Chaque place porte religieusement son autocollant. Elles sont toutes déjà prises. Ils sont environ 2000 cette année pour une salle de 3200 places. Grimpez donc quelques marches, jamais très haut, asseyez-vous confortablement et plongez dans le chaudron. Ébullition prévue dans environ 1h45.

(1) Pour ne pas heurter la sensibilité d'un lecteur, je précise que l'imbécile, c'est sans doute moi et qu'évidemment il y a sans doute quelques panneaux dans Roanne qui indiquent la Halle. Il y en a juste très peu eu égard à la popularité du basket, sans doute parce que tout le monde sait où c'est !

lundi 7 décembre 2009

Roanne - Pro A - A la découverte du coach Choulet

Jean-Denys Choulet est l'un des entraîneurs les plus attachants de Pro A. Un homme franc, loyal, célèbre pour ses coups de gueule, son flair dans le recrutement mais d'abord pour ses résultats. Grâce à lui, en dix ans, la Chorale de Roanne est passée de la Pro B au titre de champion de France (en 2007). Rencontre.

Jean-Denys, qu'est ce qui a changé depuis 10 ans à la Chorale ?
Nos déplacements se passent mieux, on est logés dans de meilleurs hôtels. Il y a une vraie différence car on a le budget qui va avec. On a un président qui fait tout pour nous mettre dans les meilleures conditions. On prend toujours le bus parce qu'on est dans une zone où l'on ne peut pas faire autrement . Mais on se déplace un jour avant, parfois deux en Coupe d'Europe, on a recruté avec une enveloppe plus grosse. Même si cette année, j'ai fait des économies sur tous les postes, on a un budget recrutement qui est intéressant, parmi les bons budgets de Pro A. La perf' qu'on a faite (doublé en 2007) avec le 14e budget est une première et je ne sais pas si elle sera un jour égalée.

Je ne pense pas qu'elle a été relayée à sa juste valeur d'ailleurs, je pense que lorsqu'une équipe comme Pau et Villeurbanne est championne de France, c'est bien. Mais quand on fait ça avec le 14e budget, c'est un exploit authentique. Seulement, nous, on l'a certainement pas très bien vendu, on ne s'est pas assez mis en avant. A la fois par la presse ici mais bon. C'est un exploit, je ne sais pas si on le reverra. Avec le 14e budget et seulement trois Américains et pas quatre, c'était exceptionnel. Le titre et la SDA, c'était vraiment énorme. Alors on a essayé de surfer là dessus avec une nouvelle structure dirigeante pour mettre quelque chose en place qui tienne la route.

La Chorale n'est-elle pas limitée dans son développement par la taille de la ville ?
Moi je pense que le basket dans les grandes villes, quand ça marche, vous m'appelez. J'en ai encore jamais vu, je parle dans les grandes villes françaises, Paris, Marseille, Bordeaux, même l'Asvel, c'est Villeurbanne, pas Lyon (sic). L'exploit c'est le 14e budget, c'est pas la ville de Roanne. Il y a des villes plus petites. J'ai été à Gravelines. C'est 11 000 habitants, voilà, c'est pas une question de villes. Je pense que l'avenir du basket est plus dans les villes moyennes mais ça n'engage que moi. Depuis la saison dernière, on joue à guichets fermés tous les matches.

Olivier Gouez se plaignait récemment qu'à Limoges, il était sans cesse interpellé par la population dans sa vie quotidienne. Ca se passe comment ici ?
Effectivement, quand on a été champions de France, ça a été difficile d'aller faire les courses les 15 jours qui ont suivi. Après, non, les gens nous connaissent, en plus on se cache pas, on est pas des stars. Il m'arrive d'aller boire un coup avec des supporters, on n'est pas molestés, les gens nous respectent.

Avoir ces résultats avec Roanne, c'est une fierté supplémentaire ?
Ce qu'on a fait, personne ne pourra nous l'enlever. Je ne sais pas si moi ou le président nous en allons, est-ce que ce sera mieux ou moins bien. Ce que je sais, c'est qu'on a mis Roanne sur la carte du basket français, ce qui n'existait pas, hormis le titre de 1959 (il montre la bannière accrochée au plafond de Vacheresse). C'est une fierté mais je pense que je savourerais un peu plus tard, dans cinq-six ans. Moi, quinze jours après avoir gagné le titre, je pensais à la suite. Je ne suis pas là à me caresser la bosse et à me retourner vers le passé. On a souvent critiqué les anciens, les vieux, alors on va essayer de pas faire la même chose.

Est-ce que le monde du basket vous a fait sentir plus de respect ? Avez-vous eu des contacts pour aller coacher ailleurs ?
Oui, j'ai eu des contacts (grand sourire). Ca ne m'interesse pas spécialement ces contacts-là. Il y a très peu de clubs qui m'intéressent. Moi je suis bien ici, on me laisse tranquille. J'ai un président qui me colle un budget, je me démerde avec ça pour faire le recrutement, personne ne vient me dire ce que j'ai à faire, je suis pas sûr que tous les coaches voudraient ça. Je ne suis pas toujours très facile pour bosser mais voilà j'ai mes idées, j'ai mon caractère, j'ai du caractère. Ici, je m'exprime comme je veux, comme je l'entend. Il y a aussi des gens qui n'ont pas envie de prendre toutes les responsabilités sur le dos. Moi j'assume et si ça ne marche pas, c'est de ma faute. C'est aussi facile de dire « je suis pas responsable car c'est pas moi qui recrute ».

On a galéré à des moments difficiles financièrement mais j'assume dans la victoire et la défaite. Il faut etre honnete dans la vie et assumer ses choix, ici je peux le faire. J'aurais pu partir, j'irais ptet un jour, certainement, ou alors je finirais ici. Mais je n'ai aucune raison de changer aujourd'hui. Qu'on m'en donne une si ce n'est faire l'Euroligue, le reste, on est aussi bien à Roanne qu'à Orléans.

Qu'est ce qui vous déciderait à partir ?
Y a des expériences intéressantes mais si je partais d'ici, ça me plairait bien d'aller à l'étranger. Pour le reste, il y a eu des contacts avec de très grands clubs français, ça ne s'est pas fait. Roanne en est devenu un donc ce n'est plus comme à l'époque où on était 10-14e de Pro A, là les contacts étaient intéressants. Mais le travail à l'époque était beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui. A l'époque, on avait un budget de pro B et des joueurs de Pro B sans vouloir dire de mal. Mais il fallait s'en sortir, tout le monde ne l'a pas fait. D'autres clubs eux n'ont pas réussi et aujourd'hui, sont en Pro B.